Dans les formations à la prise de parole que j’anime, il arrive régulièrement qu’une personne me dise : « Je ne serai jamais un bon communicant. Je n’ai pas assez de vocabulaire ».
Il s’agit en général de personnes réservées, manquant de confiance en elles, mais dont la capacité à communiquer est bonne. Elles ont une manière de s’exprimer assez fluide, une bonne écoute… Pourtant, elles ont une image dégradée d’elles-mêmes. L’impression de manquer de compétence, de talent à l’oral.
En creusant un peu la question, j’ai fini par apprendre de l’un de mes stagiaires qu’un instituteur de primaire lui avait dit un jour qu’il « n’avait pas assez de mots pour s’exprimer. » Que ce qu’il disait « n’était pas intéressant parce qu’il n’avait pas assez de vocabulaire ». Et lors des formations suivantes, lorsque j’ai demandé à ceux qui souffraient du même complexe ce qui en était, ils ont toujours évoqué la même cause…
Je suis souvent étonnée par les dégâts qu’on peut faire en donnant aux enfants une mauvaise image de leur façon de communiquer. Simplement parce qu’on a formulé les choses d’une façon négative et définitive. Qu’on a associé le fait de ne pas savoir avec le fait de ne pas être intéressant. Bien sûr, l’instituteur en question (on ne disait pas encore, à l’époque, « maître des écoles ») n’est pas le seul responsable. Pour que l’impression soit si forte, c’est que l’entourage, les parents devaient aussi avoir une manière négative de formuler les choses.
Mais à cause de ces comportements, une partie importante du travail lors des sessions de formation en prise de parole consiste à transmettre des repères clairs pour que les personnes formées aient une image plus juste de leurs prestations et d’elles-mêmes. Pour qu’elles puissent prendre – ou reprendre- confiance en leurs interventions en public. Pour qu’elles comprennent comment aller chercher en elles-mêmes l’énergie, l’implication, le volume sonore nécessaires à une intervention orale réussie. Pour qu’elles dépassent leur peur d’être jugées. C’est presque aussi important que les techniques enseignées.
Et quand j’entends ce « je n’ai pas assez de vocabulaire » revenir, encore et encore, je pense aux personnes qui n’ont pas la chance de pouvoir y réfléchir lors d’une formation. Qui continuent à se sentir déficientes, à croire que ce qu’elles disent n’a pas d’intérêt parce qu’elles n’ont pas « assez de mots ». A se dire, même, qu’elles ne sont pas faites pour communiquer.
Donc, si vous aussi vous pensez que vous n’avez pas assez de vocabulaire, si vous êtes tenté d’ajouter un peu de jargon à vos propos pour les rendre plus denses, si vous ne parlez pas très fort ou trop vite parce que vous vous dites que votre discours n’est pas assez intellectuel donc pas assez intéressant… détrompez-vous et faites l’inverse.
Enlevez le jargon. Clarifiez vos propos. Insistez sur l’essentiel. Prenez davantage votre temps. Soyez audible, impliqué, vivant. Mettez le message principal au début. Pensez à illustrer votre discours, pensez aux exemples. Et vous vérifierez par vous-même que passé le cycle primaire, le vocabulaire ne fait pas tout.